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EN MER. 3

Voici qu’elle a perdu deux, trois de ses grandes étoiles ; voici qu’elle n’est plus visible. A l’avant, les quatre pointes de la Croix du Sud surgissent, étincelantes, et, lentement, la ceinture de la Voie Lactée recule.

Couché sur le pont qui, dans la nuit, semble désert, on écoute l’incessant bruissement de l’eau ; les yeux dans le poudroiement des astres, on se sent monter vers l’équateur, avancer sur la convexité du globe, sur la grande surface nocturne tendue dans le vide ténébreux, et, à certaines minutes, on croit saisir la fuite régulière des étoiles, des éternels points de repère perdus à des millions de lieues, au fond de l’inconcevable espace…

Une heure du matin. — Trente-huit de chaleur, et cette chaleur est toujours humide. Étranges somnolences, coupées de réveils fiévreux où le pullulement des astres apparus tout d’un coup met un effroi. On roule dans un sommeil lourd, dans une nuit épaisse où la cervelle tâtonne confusément parmi des éclairs d’angoisse, des évanouissements brusques du rêve, avec des chute subites dans du noir, et l’on se débat faiblement contre une torpeur écrasante. Puis une d’exaltation et de lièvre, une lucidité singulière de l’esprit, des souvenirs qui surgissent par files, des pans de la vie apparus tout entiers, et brusquement, autour de soi, l’étonnante nuit tropicale,