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lisme, sous l’influence du poète irlandais W. B. Yeats. Il s’engage avec lui dans l’œuvre de cette renaissance littéraire de l’Irlande qui est un des épisodes les plus intéressants de l’histoire intellectuelle de notre temps. Il y apporte les mêmes préoccupations que dans la période précédente et traite à peu près le même sujet (conflit de la nature avec la religion), avec les mêmes digressions infinies sur l’art, la nature, et tout au monde.

Dans les nouvelles de The Untilled Field {1903), le sacerdoce et la tradition s’unissent en vain pour étouffer l’amour charnel. Dans The Lake (1905) le père Oliver, curé irlandais, tombe amoureux de Rose Leinster, l’institutrice de son village, et finit par abandonner l’Église, sans perdre la foi. Dans cette troisième partie de l’œuvre de George Moore, le cynisme agressif, le réalisme sordide, la psychologie exaspérée, exaspérante des premières périodes, font place à une poésie mystique, intuitive, ornée, qui veut paraître simple. Sauf Moran, le vicaire, souvent tenté par là bouteille, aucun des caractères secondaires n’est vivant. Rose écrit trop bien. Le père Oliver, curé de village, exprime un monde de sensations et de nuances qui n’appartiennent qu’à la culture la plus raffinée et la plus cosmopolite. De sorte que ce roman épistolaire parait encore plus artificiel que le genre ne le comporte. Tout cela, on le sent, comme toujours chez George Moore, n’est que littérature. Mais il n’y avait pas eu de meilleure littérature dans la production irlandaise et anglaise de cette époque.

Aujourd’hui, George Moore est déchu, parfois honni, dans les chapelles qu’il a traversées. Il n’a eu foi, dit-on, ni en sa religion, ni en sa patrie. Il n’a cru qu’en lui-même. Il n’a aimé que son art, les femmes et la bohême. Il s’est marqué au front par le cynisme qu’il affectait.