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L’influence française a produit, depuis lors, et jusqu’à la guerre, les mêmes effets bouleversants sur les mœurs et leur peinture qu’avait connus l’époque des Stuarts. Dans le roman d’amour et de société, c’est-à-dire le plus clair du roman, elle déclanche un mouvement de révolte et de crudité contre les réserves, les compressions, les institutions littéraires de l’âge précédent. Rien n’est moins collet monté, ni moins conservateur, que la fiction contemporaine en Angleterre L’audace et la brutalité du langage n’égalent pourtant pas celles qui régnaient au temps de Congreve et de Wycherley. Mais cette liberté d’allures est mieux d’accord avec la pensée multiple et inquiète de notre époque. Elle permet l’expression d’idées neuves ou renouvelées, jamais de grossièretés inédites. Toute fois l’audace des situations n’est guère moins flagrante.

Elle s’accompagne d’une ferveur de démolition et de reconstruction qui cadre bien avec les années révolutionnaires traversées par la Grande-Bretagne au début du xx œe siècle. Ce n’est pas seulement l’Angleterre géographique, l’Angleterre cultivée et de bon ton, l’Angleterre ethnique, qui se trouve ainsi changer de figure au miroir du roman, c’est toute l’Angleterre, même celle du bas peuple, c’est toute la Grande-Bretagne, et avec elle le monde entier. Car le sentiment de la solidarité impériale et celui de la solidarité sociale, tantôt unis, tantôt opposés, se développent ensemble à partir de 1880 par réaction contre l’insularisme collectif et individuel.

L’Empire, c’est, épars et uni, tout l’univers. La Société, c’est toutes les sociétés, la bonne comme la mauvaise, sans compter la pire. Le costaud, le « costermonger », deviennent à la mode. Ainsi le monde entier entre dans le roman, non plus vu du dehors, mais peint par et pour