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Plongé dans un profond sommeil, il rêvait à sa chère France, quand un brusque et épouvantable mouvement de tangage, qui lui fit croire que le navire sombrait, l’éveilla soudain.

— Debout ! cria-t-il en sautant à bas de son cadre.

— Qu’avez-vous, étranger ? demanda sans bouger son voisin du lit supérieur.

— Une tempête !

— Ce n’est pas la peine de se lever.

— Mais nous allons faire naufrage ! dit Adrien, qu’un nouveau coup de tangage avait envoyé rouler à l’autre bout de la cabine.

Il se rapprocha péniblement de son cadre, en s’aidant des mains et des genoux.

— Recouchez-vous, étranger, lui dit John.

— Me recoucher !

— Il n’y a aucun danger. Ce n’est qu’un caprice du lac !

— Singulier caprice, murmura le jeune homme en s’habillant aussi vite qu’il pouvait.

Son pantalon passé, il monta, pieds nus, sur le pont.

Là, une scène extraordinaire, unique, se déroulait.

Le jour paraissait, et, à ses naissantes clartés, on distinguait, à bâbord et à tribord de la Mouette, la nappe du lac Supérieur unie comme une glace.

Mais en avant, en arrière, elle formait, à perte de vue, un pli formidable, haut de plus de quinze mètres.