Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Par une belle et piquante matinée du mois de mai de cette année-là, debout sur la Pierre-Branlante, — ainsi la désignent les habitants du Sault-Sainte-Marie, — un jeune homme, grossièrement mais confortablement vêtu d’un paletot et d’un pantalon de drap noir, d’une casquette de même étoffe, retenue sous le menton par un cordon, et de fortes guêtres en peau, qui lui montaient jusqu’au-dessus du genou, considérait d’un œil attentif le panorama déployé devant lui.

Ce personnage n’était pas beau, dans l’acception vulgaire du mot ; mais la franchise, le courage respiraient dans sa physionomie hautement intelligente.

De longs cheveux noirs bouclés ondulaient librement sur ses épaules à la brise du matin.

Il portait une barbe de même couleur, courte et bien fournie, que caressait souvent sa main gauche. Dans la droite, il tenait un marteau de géologue, armé d’une hachette qui flamboyait aux rayons du soleil levant.

À sa tournure, à son costume, il était facile de voir que ce jeune homme était étranger au pays.

— Une riche contrée ! — murmurait-il en bon français ; — et penser que nous l’avons perdue… perdue par notre faute !… qu’elle appartient maintenant en partie à nos mortels ennemis les Anglais, dont le drapeau flotte triomphalement de l’autre côté de cette rivière ! Ah ! s’il était possible de reconquérir…

À cette pensée, il se prit à sourire :