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Cet endroit me sembla charmant, et il l’est en effet ; car dans le fond des collines onduleuses, plantées de beaux arbres, l’abritent contre les souffles trop violents, et le terrain jouit d’une fécondité admirable.

Jésus commanda aux Apôtres de se cacher dans une oseraie bordant le rivage. Pour moi, je restai dans un canot sous la garde de deux chefs Indiens qui avaient fait la navigation de la rivière avec nous.

Je contemplais avec une noire mélancolie ce délicieux paysage qui, dans un moment, serait le théâtre des plus exécrables forfaits, et je m’apitoyais profondément sur le sort de ces malheureux, maintenant plongés dans le sommeil et faisant peut-être des rêves de bonheur à l’instant où la mort planait sur eux, — quand un hurlement strident, inqualifiable, comme je n’en avais jamais entendu, comme je souhaite n’en entendre plus jamais, vint déchirer mes oreilles.

Et, telle qu’une fourmilière, je vis alors une multitude d’êtres animés se presser sur la berge en face de nous, assaillir le fort et l’investir de toutes parts.

Les cris ne discontinuaient pas. J’en étais étourdi.

Bientôt des lumières se montrèrent aux fenêtres de la factorerie ; une vive fusillade commença.

Mon sang bouillait dans mes veines ; ce spectacle acheva de m’enflammer. Sans trop savoir ce que je faisais, mais avec le désir irrésistible de porter secours aux