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Quelle phrase ! as-tu eu chaud pour la lire ? Moi je sue comme dans une étuve. Le papier d’emballage sur lequel je t’écris t’en dira long. Si tu savais quelle peine j’ai eue à me le procurer ! D’encre ici il n’est point question. Un peu de suie détrempée avec de l’eau en fait l’office. Quant à ma plume, c’est un piquant de porc-épic que j’ai, tant bien que mal, aiguisé sur un caillou, car on ne me permet pas d’avoir de couteau. Tu t’étonnes ! Ah ! réserve tes surprises, mon cher ; je vais t’en apprendre bien d’autres. Mais procédons par ordre.

Tu te souviens avec quelle joie je reçus la mission d’aller explorer les mines du lac Supérieur. Pour moi qui aimais passionnément l’Amérique pour ses institutions libérales, pour les splendeurs dont Chateaubriand nous avait conté que son immense territoire était écrasé, et peut-être aussi parce qu’il est de tradition dans ma famille que mes ancêtres contribuèrent largement à la découverte et à la colonisation du Nouveau-Monde ; pour moi la place que j’obtenais était le comble de vœux souvent caressés quoique dissimulés avec soin, car je craignais d’affliger ma bonne mère.

Ce mot d’Amérique, tu sais, la faisait tressaillir, pâlir, fondre en larmes. Était-ce au souvenir de mon frère aîné, parti depuis tant d’années, sans que l’on eût jamais su ce qu’il était devenu ? Mais qui prouve qu’il soit allé sur cet hémisphère ?

Juge s’il m’en coûta beaucoup de déclarer à cette