Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant de ouampums et de jupes de toutes les couleurs que tu en pourras souhaiter. Jamais la chair d’animal ou de poisson ne manquera dans notre wigwam, et je te jure par la vertueuse Shilagah, femme du bienheureux saint Patrice, que toutes les squaws autour des Grands-Lacs envieront ton sort.

Judas avait mis dans l’accentuation de ces paroles une douceur mélangée de passion qui ne lui était pas habituelle. Il fallait qu’il fût bien sérieusement ému pour sortir ainsi de son flegme ordinaire.

Ce n’était plus le même homme ; au contact de la jeune fille son sang s’échauffait, sa tête prenait feu, son cœur battait à rompre sa poitrine.

Il continua d’un ton agité :

— Si tu comprenais ce que j’ai souffert alors que j’entendais Jésus te parler d’amour ! Je l’aurais tué cet homme !… oui, je l’aurais tué ! mais j’espérais qu’un jour tu me remarquerais, que tes yeux s’abaisseraient sur moi, qui vivais seul, sans maîtresse, absorbé dans l’amour que tu m’avais inspiré…

— Et c’est parce que tu m’aimes que tu me traites ainsi ? dit ironiquement Meneh-Ouiakon.

— Oui, c’est parce que je t’aime que j’ai couru après toi, dès que je me suis aperçu de ta fuite.

— L’amour de mon frère est comme l’amour de l’épervier pour la perdrix ; il dévore celle qui en est l’objet.