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La conflagration brille au loin, elle nous poursuit, dévore tout sur son passage ;… mais enfin ses horreurs s’éteignent, se perdent dans de profondes et fraîches vallées, aux verts ombrages toujours riants, où l’on aimerait à se promener, à rêver, si le fracas affreux qui se fait sous les pas ne rappelait bientôt que toutes ces scènes, vallons, incendie, manoir, parc, troupeaux, ne sont que des fictions, des mirages décevants.

Notre vue s’est heurtée tout à coup aux lourdes assises du Château de Roche, qui mesurent trois cents pieds de haut et se réfléchissent à plus de soixante dans le miroir du lac, château tout hérissé de colonnes brisées, de décombres énormes, dont les arêtes saillantes, les gouffres informes, insondables, produits par l’accumulation des blocs tombés des caps voisins, donnent le frisson, le vertige, quand on plonge les regards à ses pieds.

Silencieusement, avec une éblouissante rapidité, le canot qui porte Meneh-Ouiakon et Jacot Godailleur a filé devant ce féerique panorama que l’ex-dragon voit se dérouler sous ses yeux avec un mélange d’étonnement et d’effroi, mais auquel l’Indienne ne prête pas la moindre attention.

Elle pagaie, pagaie de toute sa vigueur. Son bras fatigue la rame sans se lasser.

Parfois elle tourne la tête, fixe une seconde ses noires prunelles vers l’ouest où apparaît un canot monté par un seul homme, et murmure :