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Mais nous ne faisons qu’aborder ces monuments gigantesques de la puissance et de l’art divins.

Voici que se présentent les Ruchers-Peints, cet incroyable spectacle dont le lac Supérieur a l’unique privilége.

La rive méridionale croît, monte ; elle touche aux nues. L’orgueil de l’homme s’abaisse, il se rapetisse, il se replie, s’effraie devant la sublimité de la scène.

Ces rochers sourcilleux, suspendus dans les airs, couronnés par de sombres forêts de pins, troués à leur base par de noires cavernes où les eaux s’engouffrent avec des bruits plus effroyables que les roulements du tonnerre, et ces couleurs éclatantes, — or, argent, pourpre, azur, émeraude, — si savamment distribuées à leur face, tout concourt à troubler l’âme, à lui infliger le sentiment de son humilité et du pouvoir de l’éternel Créateur. Non seulement ces couleurs sont ombrées et fondues d’une manière surprenante, mais, comme le dit avec raison un voyageur américain, elles offrent, en quelques places, de véritables tableaux[1], dessinés sur le roc, avec une correction de lignes, une combinaison, un brillant de teintes, dont la contemplation ne fatigue jamais l’œil, et auxquelles l’esprit ne parvient jamais à s’accoutumer suffisamment pour

  1. Ces tableaux naturels, d’une grande régularité de dessin, ne sont pas rares en Amérique. Dans les Derniers Iroquois, j’ai déjà essayé de décrire celui que l’on remarque sur les bords si pittoresques du Saguenay.