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MADAME LÉONIE D’AUNET

et à mesure qu’elles passaient devant les grandes fenêtres, elles éclairaient les mystérieuses profondeurs des galeries. On avait alors, pendant quelques secondes, un coup d’œil fantastique et admirable ; le tourbillon de feu descendait en pétillant, faisant briller chaque goutte d’eau des murailles comme un diamant, et remplissant de lueurs éclatantes toutes ces sombres voûtes qui s’entre-croisaient, puis il allait s’éteindre avec bruit dans l’eau plate et noire. Nous descendîmes à plus de trois cents pieds sous terre ; là la route prend un autre aspect, celui d’une poutre traversée de branches de fer, comme un perchoir de perroquet, et elle disparaît sous cette forme dans les entrailles de la mine. Je m’arrêtai là, pensant en avoir assez vu, et, après m’être reposée un moment sur un bloc de pierre, j’entrepris de remonter au jour. Cette dernière partie de mon expédition ne fut pas la plus facile, et je souffris beaucoup de la boue glissante, de la vapeur empestée et des gouttes glacées ; je mis près de deux heures à venir retrouver l’air pur. J’arrivai enfin ; je revis le ciel, la nature, les arbres, la lumière et la sauvage vallée de Fahlun, sa ville triste, laide et enfumée ; tout cela me parut un paradis, comparé à ce dédale de ténèbres d’où je sortais. »

Mme d’Aunet s’arrêta quelques jours à Stockholm, « la rivale de Constantinople, si elle avait le soleil, » et, comme tous les voyageurs, elle en admira l’incomparable situation. « Placée juste à l’endroit où le lac Mélar se verse dans la Baltique, elle réunit les éléments les plus divers du pittoresque un lac, la mer, des îles, des canaux, des touffes de verdure agréablement disséminées ; puis, entourant tout cela, un horizon immense où l’œil ne rencontre que les plaines agitées de la mer ou les sommets ondoyants des forêts. Les clochers des églises, les mâts des navires, la fumée du toit des maisons, ajoutent à ce splendide paysage le mouvement et la vie, et en complètent la grandiose harmonie. »

La femme qui savait décrire avec tant de talent les contrées qu’elle avait parcourues borna cependant aux régions polaires sa curiosité de voyageuse ; du moins, parmi les ouvrages qu’elle a publiés depuis, n’en trouve-t-on aucun d’analogue. Elle est morte à Paris en 1879.