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MADAME LÉONIE D’AUNET


Sous le pseudonyme de Léonie d’Aunet, Mme Biard, la femme du peintre célèbre, a écrit de nombreux romans et un charmant volume de lettres sur les pays du nord de l’Europe[1]. Née en 1820, elle avait vingt ans de moins que son mari, qu’elle accompagna en 1845 dans un voyage au Spitzberg, qu’ils commencèrent, en façon de prologue, par un tour rapide à travers la Belgique, la Hollande, le Danemark et la Norvège. Le brillant récit qu’elle en a donné au public se lit avec un extrême plaisir, son expérience littéraire lui constituant un grand avantage sur la plupart des voyageuses, dont les notes et les journaux, faute de cette expérience, sont souvent secs, diffus et sans couleur. Peut-être pourrait-on reprocher à Mme d’Aunet de juger plus avec l’intelligence qu’avec le cœur ; mais son esprit est si incisif, si prompt à saisir les faits les plus curieux, à découvrir les traits saillants et caractéristiques, que même lorsqu’elle parle de contrées et de populations qui nous sont bien connues, elle nous force à l’écouter et enchaîne notre attention. Son livre est composé comme un roman, et dans ses descriptions on sent parfois un défaut de simplicité, une certaine affectation. Aussi est-elle surtout agréable quand elle se montre bien elle-même, oubliant les lecteurs, sur lesquels elle sait pouvoir compter d’avance, et quand elle écrit spontanément, entraînée par son sujet.

Dans les premières pages, consacrées à la Hollande et au Danemark, Mme d’Aunet a des mots heureux, qui peignent spirituellement une ville ou un pays. Elle dit, par exemple, des Hollandais : « Ce peuple

  1. Mme Léonie d’Aunet, Voyage d’une femme au Spitzberg. (Hachette.)