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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

pantalon étroit et d’une courte tunique, serrée à la taille ; cette tunique avait sur la poitrine des poches à cartouches ; un bonnet rond, galonné d’argent et entouré d’une large bande de fourrure d’agneau blanc ou noir, était leur coiffure ; dans les temps froids ou pluvieux, ils portaient un bashlik ou capuchon de poil de chameau, et tous étaient munis de la bourka, vaste manteau aussi nécessaire au Tcherkesse que ses armes. C’étaient de hardis et habiles cavaliers, et leurs chevaux, quoique petits, étaient remarquables par leur énergie et par leur ardeur ; on sait fort bien qu’un cavalier circassien ferait au besoin en une nuit vingt-cinq à trente lieues. Poursuivis par les Russes, ils franchissaient d’un bond les plus rapides torrents. Si leurs coursiers étaient trop jeunes et peu accoutumés à de pareils exploits, ils les amenaient au galop jusqu’au bord de l’abîme, leur enveloppaient la tête de leurs bourkas et s’élançaient, presque toujours sans accident, par-dessus les plus larges ravins.

Il n’est pas nécessaire d’insister sur l’adresse avec laquelle ils se servaient de leurs armes à feu et de leurs poignards à double tranchant. N’ayant que cette seule arme, on les a vus, pendant leur longue et vaillante lutte pour défendre leur indépendance, bondir avec leurs chevaux par-dessus les rangs de baïonnettes moscovites, frapper les soldats, rompre et mettre en fuite des bataillons serrés. Enveloppés dans leurs châteaux et leurs villages, ne voyant plus de moyens d’échapper à la captivité, il leur est fréquemment arrivé d’immoler leurs femmes et leurs enfants, de mettre le feu à leurs demeures, et de périr héroïquement dans les flammes. Ils restaient jusqu’à la dernière extrémité près de leurs blessés et de leurs morts, et combattaient avec un courage obstiné pour éviter qu’ils tombassent aux mains de l’ennemi.

Mme de Hell n’est pas disposée à contresigner la réputation de beauté que tant d’écrivains ont cependant attribuée aux Circassiennes. Elle les trouve du reste, sous ce rapport, inférieures aux hommes. Sans avoir pu visiter les grands centres ni voyager parmi les tribus indépendantes, elle a vu plusieurs aouls sur les bords du Kouban, et elle a été reçue dans une famille princière sans rencontrer nulle part ces merveilleuses beautés que des voyageurs plus heureux ont célébrées. Ce qu’elle remarque chez ces filles de montagnes, c’est l’élégance de leurs formes et la grâce naturelle de leurs mouvements. Une Circassienne n’est jamais gauche. Vêtue de brocard ou couverte de haillons, elle adopte spontanément, et sans prétention aucune, les