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LES VOYAGEUSES ANGLAISES

toires de batailles était cette confession naïve : « Alors je crus que j’allais être tué, et je me sauvai. » Lui et moi, nous mimes à contribution toute une série d’interprètes pendant le cours de sa visite ; il les fatiguait l’un après l’autre, et entrait en colère si l’un d’entre eux essayait d’abréger ses discours en me les traduisant. Mais il était fort amusant, poli comme il convient à un vieux soldat, fécond en compliments et répétant « qu’il avait vu le plus beau jour de sa vie, et que la mort pouvait maintenant venir le prendre ». Je


Cafres.

donnai mon audience sous la véranda ; j’apportai une grande boite à musique et la posai par terre ; on n’a pas idée d’un pareil succès. En un clin d’œil tous furent à genoux autour de l’instrument, écoutant d’un air ravi. Le vieux leur expliquait qu’il y avait à l’intérieur de la boîte de tout petits hommes obligés à m’obéir, et que c’étaient eux qui faisaient cette musique. Leurs transports durèrent fort longtemps ; mais chaque fois que je remontais la clef, ils prenaient soin de se retirer à bonne distance. Le vieux luduna prisait copieusement et me tenait des discours sentis qui finirent de mon côté par le cadeau d’une vieille redingote ; mais il m’assura qu’il ne vivrait pas assez pour l’user ; car il était trop pressé de mourir et de s’en aller