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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

prendre des vues pour faire faire les illustrations de son premier voyage. Elle fit ainsi une rapide excursion d’un mois, « galopant et photographiant. » Tout en se louant vivement de la cordiale hospitalité caucasienne, elle reconnaît qu’il lui fallut refouler souvent ses préjugés de propreté et de délicatesse, en face des habitudes encore primitives de ces régions. Quand on compare, dit Mme Serena, ces trois provinces limitrophes : la Mingrélie, le Samourzakan et l’Abkhasie, toutes trois riveraines de la mer Noire, on trouve que la civilisation y diminue à mesure qu’on enfonce dans la montagne, et est en rapport avec le degré d’avancement de la culture ; l’Abkhasie n’a que des montagnes incultes, couvertes de superbes forêts. Les Abkhases et les Samourzakhaniotes sont superstitieux ; ils croient au mauvais œil, comme les Italiens. Les appareils de photographie excitaient leur étonnement et un peu leur frayeur, surtout la chambre obscure et la lanterne rouge dont se servait Mme Serena ; elle ne pouvait leur persuader que le diable n’était pour rien dans ces opérations mystérieuses. Elle obtint cependant leur aide pour photographier le cloître et l’église du monastère de Badia, ruines magnifiques, mais dans une telle situation, qu’elles ont échappé à la plupart des voyageurs ; on n’y parvient qu’en gravissant un sentier abrupt, où il faut laisser les chevaux à mi-côte et grimper péniblement au risque de rouler dans le vide.

Mme Carla Serena, au retour de ce second voyage, reçut du roi d’Italie une grande médaille d’or frappée pour elle, avec cette inscription : A Carla Serena, bene merita degli studii etnografici. Esploratrice coraggiosa delle regioni Caucasee 1882.