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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

zague, qui se trouvait dedans, me reporta à l’époque de ma première communion. Ce jeune Chinois nous lut quelques mots de français assez correctement, mais sans les comprendre. »

Ils savent des prières par cœur, et depuis 1864, époque où le dernier prêtre catholique a été massacré pendant l’insurrection, ils continuent à les répéter en faisant les exercices de notre culte. Il y a quelque chose de profondément touchant dans l’idée de cette petite congrégation de fidèles, conservant le trésor de la foi au milieu d’une population étrangère à leur croyance. Espérons que depuis Dieu a envoyé un pasteur aux catholiques de Kouldja.

Dans leur voyage, M.  et Mme d’Ufjalvy rencontrèrent souvent des Kirghises, peuple pasteur de la Sibérie occidentale et du nord du Turkestan, farouche et indomptable. Leurs femmes elles-mêmes sont intrépides comme eux, et montent admirablement à cheval. Les hommes, merveilleux cavaliers, se laissent glisser à bas de leurs montures et ramassent au galop de leur bête un objet tombé à terre. Ils chassent aussi le loup à cheval et sans fusil, dédaignant de s’en armer contre une bête aussi peureuse. Le chasseur kirghise n’a qu’un fouet à lanières armées de fer, dont il cingle les jambes de l’animal qu’il poursuit au galop de son cheval et finit par achever à coups de fouet. Dans ces plaines herbeuses se dressent les aouls ou campements ; les Kirghises, essentiellement nomades, préfèrent, même dans leurs villages, loger sous leurs kibitkas ou tentes, et ils mettent dans les maisons les chevaux et les provisions. Voici un joli tableau de vie pastorale « Les kibitkas dressent leurs coupoles sur la prairie ; les femmes kirghises entrent et sortent de leurs demeures pour préparer le repas du matin, les unes tout habillées de blanc, les autres avec une robe rouge qui tranche sur la verdure ; des enfants nus courent sur la plaine, et de nombreux troupeaux de chevaux, de chameaux, de bœufs et de moutons, au bruit de notre tarentasse, lèvent les naseaux au vent. On voit à leur mine qu’ils se félicitent de brouter d’aussi bons pâturages. » C’est encore une fiancée kirghise qui passe en habit de gala, « montée sur son cheval harnaché d’une belle couverture de drap brodé à la main ; les dessins sont d’une couleur éclatante et originale ; la soie est d’une teinte qui brave le soleil. La mère marche à ses côtés, et le fiancé en avant. La cérémonie du mariage était probablement terminée, car le cortège se dirigeait vers la kibitka de l’époux. » On rencontre également des Kalmouks, qui, plus que toutes ces races