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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

encore autour de la grande place de Samarkand, la plus belle de l’Asie centrale. Les briques dont leurs murs sont couverts resplendissent des tons de l’or, de la turquoise, couleur favorite de ce pays, où le ciel même en a le bleu clair et doux. Samarkand est habitée par des Tadjiks, d’origine iranienne. Mme d’Ufjalvy donne de curieux détails sur leurs coutumes et sur les observations qu’elle fit pendant son séjour à Samarkand ; mais nous ne pouvons la suivre pas à pas. Les travaux de M. d’Ufjalvy le conduisirent ensuite dans le Ferghanah et la Sibérie occidentale. Les Russes ont transporté la capitale du Ferghanah, de Khokand, où Mme d’Ufjalvy visita l’antique et magnifique palais des khans, à Marghellan, résidence du gouverneur, qui était alors le général Abramof. Elle décrit ainsi la réception qui lui fut faite dans une maison indigène, et la triste existence des femmes de ces contrées.

« Dans un charmant petit jardin une table était dressée, et le maître nous y conduisit après avoir salué à la manière orientale en s’inclinant les mains sur le ventre, marque du plus grand respect. Du thé, du lait, des fruits, des amandes et de petits bonbons figuraient sur la table. Sur ma demande, le maître me conduisit près de ses femmes, pour lesquelles je fus plutôt un objet de curiosité qu’elles ne le furent pour moi ; car, à part quelques détails, je me trouvais toujours en face du même spectacle. Pour ces pauvres créatures, ni joie ni distraction. Quelquefois la visite d’une voisine ou d’une amie, et c’est tout. Elles habitent généralement une arrière-cour ; c’est là qu’elles accomplissent leurs travaux insipides et monotones ; elles sont seules toute la journée avec leurs enfants, poursuivant tranquillement et avec lenteur leur tâche quotidienne ; et sans les heures de sommeil imposées par les chaleurs, je ne sais vraiment comment elles pourraient supporter leur existence. Remplie de tristesse pour ces sœurs déshéritées, je revins près de ces messieurs, comparant ma vie à la leur et rendant grâce à Dieu de n’être pas mahométane. »

Les Uzbegs, qui constituent une partie de la population de ces provinces, sont plus nobles et plus belliqueux que les Tadjiks ; ils supportent plus difficilement la domination russe. Ce sont les héritiers de l’antique race de Gengis-Khan et de Tamerlan ; ils mènent encore une vie demi-nomade autour des grands centres. « On peut décrire le Ferghanah comme un immense steppe entouré de montagnes, et dans lequel se trouvent de ravissantes oasis. » De nombreuses races habitent du reste ce pays ; les unes rappellent le type mongol,