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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

Beau portique. Six majestueuses colonnes sont encore debout. Nous errâmes longtemps, prenant quelques photographies, admirant le délicieux panorama qu’on a sous les yeux, et qui s’étend de la ville d’Athènes jusqu’à Éleusis, Salamine et Corinthe, et du Pentélique et du mont Hymette aux champs Élyséens. Nos regards s’égaraient vers les antiques ports de Phalisum et du Pirée, revenaient à Athènes, à la rue des Tombeaux, qui nous semblait plus grise et plus poussiéreuse en dominant ainsi ses toits aux tuiles grisâtres ; les jardins et les palmiers ne réussissaient pas à l’égayer. Il était près de trois heures quand nous parvînmes à nous arracher à ce spectacle. »

La description est d’une simplicité excessive, par trop dépourvue d’ornement. Un plus vif enthousiasme, une admiration plus expansive auraient dû être excités chez une femme instruite et intelligente par ce pays plein de souvenirs, cette mer bleue où Thémistocle vainquit la flotte persane, cette colline d’où saint Paul annonça le Dieu inconnu aux Athéniens surpris, et par les chefs-d’œuvre de Phidias et de Praxitèle. Mais ce qui attire l’attention de lady Brassey, ce qu’elle reproduit avec le plus de perfection, ce sont les scènes familières, les aspects pittoresques des contrées sauvages. Elle se sent plus dans son élément sur le marché d’Hawaï que parmi les ruines des temples d’Athènes.

Le lecteur trouvera cependant quelque intérêt à jeter un coup d’œil sur Nicosie, la ville principale de Chypre, cette île fameuse qui rappelle les souvenirs des croisades, et où Richard Cœur de Lion s’éprit de Bérengère, la fille du prince cypriote.

« L’intérieur de la ville fait éprouver un désappointement, quoiqu’il y reste encore quelques beaux édifices. La vieille cathédrale de Sainte Sophie, transformée en mosquée, est admirable par la richesse et la pureté de son architecture gothique. En face de la cathédrale s’élève l’église Saint-Nicolas, qui sert de grenier à blé, et dont les trois portails gothiques sont les plus beaux que j’aie jamais vus. Chacune des maisons de Nicosie possède un luxuriant jardin, et les bazars sont festonnés de vignes grimpantes ; mais, malgré cela, la ville a un air de malpropreté, de tristesse et de misère. La maison du gouvernement est une des dernières vieilles constructions turques qui y subsistent encore.

« De la prison nous passâmes par une rue étroite et sale, dont les maisons étaient délabrées et les jardins négligés, et nous nous trouvâmes en pleine campagne. Un temps de galop à travers la plaine