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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

coucher ; le résultat est que les incendies y sont fréquents. Une personne négligente ou maladroite renverse le brasero, et tout flambe aussitôt.

On enleva brasero et édredon pour apporter le dîner. Devant chaque convive fut placée une petite table de laque, d’environ six pouces de haut, sur laquelle étaient deux bâtonnets, un bol de soupe, un autre de riz, une tasse de saki et un bassin d’eau chaude ; au milieu du cercle siégeaient les quatre Hébés japonaises, avec du feu pour réchauffer le saki et allumer les longues pipes qu’elles présentaient aux convives entre chaque plat. Le saki est une sorte d’eau-de-vie de riz qu’on boit toujours chaude dans de petites tasses, et qui ainsi n’est pas trop désagréable, tandis que froide peu de gosiers, européens pourraient la supporter. La cuisine japonaise parut très bonne à lady Brassey, bien que certains plats fussent composés d’ingrédients inconnus aux cuisiniers de l’Occident. Le menu était celui-ci :


Soupe,
Crevettes et algues marines,
Grosses crevettes, omelettes, raisin conservé,
Poissons frits, épinards, jeunes roseaux et gingembre,
Poisson cru, moutarde et cresson, raifort et soy (sauce aux épices),
Soupe épaisse d’œufs, de poisson, de champignons et d’épinards ;
Poisson grillé,
Poulets frits et pousses de bambous,
Racines et têtes de navets confits au vinaigre,
Riz ad libitum dans un grand bol,
Saki chaud, pipes et thé.


Le dernier plat fut, en effet, une énorme boîte de laque pleine de riz, avec lequel on remplit tous les bols, et qu’il fallait manger au moyen des deux bâtonnets, ce qui exigeait une certaine habitude. Entre chaque plat il y avait un assez long intervalle rempli par les chants, la musique et la danse de jeunes artistes de profession. La musique était un peu dure et monotone, mais le chant et la danse méritaient quelques éloges ; cette danse consistait en une suite de poses, et ne ressemblait en rien à nos danses européennes. « Ces jeunes filles, fort jolies, portaient un costume spécial pour indiquer leur métier, et elles étaient fort différentes des modestes servantes, simplement mises, que nous trouvions si attentives à tous nos besoins ; pourtant elles avaient l’air de bonnes et joyeuses créatures, et s’amusaient infiniment des jeux enfantins auxquels elles se livraient entre elles dans les intervalles de repos. »