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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

cochons ; des cochons d’Inde à profusion, des rats, des chats, des chiens, et un délicieux petit singe-lion diminutif et rouge de pelage, avec une jolie tête à crinière, et qui rugissait absolument comme un lion en miniature. Il y avait des cages pleines de flamants, des bécassines de plusieurs espèces, et beaucoup d’oiseaux plus petits, dont le plumage avait tous les reflets imaginables de bleu, de rouge et de vert, et des teintes métalliques du plus beau lustre, sans parler de perroquets, d’aras, de kakatoès innombrables, et de torchas sur des perchoirs. Le torcha est un bel oiseau noir et jaune, à peu près de la grosseur d’un étourneau, qui met sa tête de côté et prend les mouches qu’on lui présente de l’air le plus gracieux et le plus coquet. »

Pendant que le Sunbeam les attendait à l’embouchure de la Plata, lady Brassey et ses compagnons de voyage firent une excursion dans les Pampas, cet immense océan de verdure où la civilisation n’a pas encore pénétré bien loin. D’après lady Brassey, le premier aspect de cette prairie sans fin était surtout frappant par sa variété de couleur. La vraie teinte de l’herbe des Pampas, quand elle est longue, est un vert grisâtre ; quand elle est courte, une verdure, au contraire, très éclatante. Mais il arrive souvent que, par suite des nombreux incendies, accidentels ou volontaires, rien n’est visible qu’un grand espace noirci et calciné, montrant çà et là des taches d’un vert vif aux endroits où l’herbe renaît sous l’influence des pluies.

« La route, ou plutôt la piste, était en mauvais état, grâce aux pluies récentes, et de chaque côté des cinq canadas ou petites rivières que nous eûmes à passer à gué, s’étendaient des marécages profonds, à travers lesquels nous dûmes nous dépêtrer, la boue montant jusqu’aux essieux des voitures. Lorsque nous arrivions au passage, on fouettait vigoureusement les chevaux pour leur faire prendre le galop, qu’ils continuaient vaillamment jusqu’à la rive opposée. Là nous nous arrêtions pour les laisser respirer et examiner les dommages, découvrant presque toujours qu’un trait s’était cassé ou qu’un harnais avait donné des signes de faiblesse. Une fois, nous eûmes un retard considérable par suite de la rupture d’un timon, chose difficile à réparer ; je ne sais ce que nous aurions fait si nous n’avions rencontré un jeune garçon du pays qui nous vendit son lasso pour lier les débris ensemble. Cette rencontre fut pour nous une chance heureuse, car nous n’aperçûmes pas un seul être humain, excepté lui, pendant notre course de près de trente milles,