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MADEMOISELLE ALEXINA TINNÉ


La vie d’Orient, avec son mélange de poésie et de simplicité, ses habitudes primitives et pittoresques, possède un charme tout particulier pour l’esprit de la femme qui touche sans cesse à ces deux extrêmes : le bon sens le plus pratique et l’exaltation la plus vive, et qui est presque également capable de réalisme et d’idéalisme. Ce qu’a de romanesque un voyage dans ces contrées, ses surprises et ses aventures, est fait pour offrir en outre un contraste séduisant avec la routine de l’existence des pays civilisés. C’est à tout cela sans doute que nous devons, à notre époque, de voir figurer brillamment tant de noms de femmes courageuses dans les annales des voyages en Orient : lady Hester Stanhope, lady Duff Gordon, lady Baker, miss Edwards et lady Blunt. Ce furent sans doute les mêmes influences, secondées par des dispositions naturellement aventureuses, qui décidèrent Mlle Alexina Tinné, dont nous allons raconter la vie, à courir les périls d’une exploration dans l’intérieur de l’Afrique.

« Les personnes qui se trouvaient à Alger il y a une vingtaine d’années peuvent se rappeler avoir vu séjourner dans ce port un yacht mystérieux. Les bruits les plus extraordinaires couraient sur la suzeraine de son équipage cosmopolite, où l’on voyait des Européens, des nègres et de majestueux Nubiens. Les uns prétendaient que c’était une princesse orientale ; les autres inventaient tout un roman pour expliquer les courses errantes de cet Ulysse féminin ; quelques-uns faisaient d’obscures allusions à une mission politique, dont elle