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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

petite association féminine qui se proposait de visiter les prisons de Stockholm, et d’améliorer la situation matérielle des prisonniers, ainsi que de venir en aide, après l’expiration de leur peine, à ceux qui sembleraient disposés à gagner honnêtement leur vie.

Elle consacra ainsi à diverses œuvres de bienfaisance une part considérable de son temps, de ses forces et de ses revenus, et soulager toutes les souffrances devint son devoir le plus cher et le plus sacré.

En 1856, elle visita la Suisse, et se rendit de là en Belgique, puis en France et en Italie ; enfin elle poursuivit ses voyages jusqu’en Grèce et en Palestine. Ce ne fut que dans le courant de 1861 qu’elle revit son pays natal. Elle a publié un intéressant récit de ce long séjour à l’étranger. En 1864, elle passa trois mois d’été à Arsta, au milieu de la famille patriarcale qui était devenue propriétaire de son ancienne demeure d’enfance, et le calme et la satisfaction qu’elle y trouva la décidèrent à accepter l’invitation de ses amis de se fixer tout à fait parmi eux. Elle continuait ses travaux philanthropiques, et voyait devant elle une vieillesse utile, sanctifiée par la charité, la confiance en Dieu et la soumission absolue à sa volonté. Mais, le jour de Noël 1865, elle eut un refroidissement à l’église, et il s’ensuivit une grave fluxion de poitrine dont son tempérament affaibli ne put triompher. Elle ne se croyait pas en danger ; aussi, en dépit de ses souffrances croissantes et de la peine qu’elle avait à respirer, elle refusa de rester au lit ; le dernier jour de sa vie, qui se trouva le dernier de l’année, elle était encore debout. Son esprit gardait sa netteté et sa sérénité. Quelques moments avant de mourir, appuyée sur le bras de sa garde-malade, elle alla successivement à chacune des fenêtres de son vaste salon, comme pour dire adieu à ce beau paysage qu’elle avait tant aimé à contempler. Alors, d’une voix basse et faible, elle murmura quelques mots, revenant sans cesse à ces paroles : « La lumière, la lumière éternelle ! » Et, serrant dans ses mains celles de sa garde, elle dit avec émotion : « Ah ! mon enfant, parlons de l’amour de Jésus-Christ, le meilleur, le plus grand des amours ! »

Le lendemain matin, à trois heures, elle rendait doucement le dernier soupir.


À cette courte esquisse de la vie de la grande romancière suédoise doit succéder l’étude de ses récits de voyages.