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FRÉDÉRIKA BREMER

velle forme un succès aussi durable que celui qu’elles avaient eu dans leur pays natal. L’année suivante, elles passaient en Angleterre ; l’accueil y fut enthousiaste, car leurs mérites étaient de ceux que les lecteurs anglais sont disposés à admirer. Depuis, la plupart de ces romans ont été traduits en français et également appréciés dans notre pays.

Lorsque Frédérika Bremer était arrivée à la pleine conscience de ses facultés hors ligne, le but pratique qu’elle s’était proposé d’atteindre avait été la révision des lois suédoises, qui traitaient les femmes avec une injustifiable dureté. Mlle Bremer désirait ardemment améliorer le sort des femmes, dans son pays en particulier, étendre leurs droits, conquérir pour elles une instruction égale à celle des hommes, et l’entrée de certaines carrières. Ces idées, qui de nos jours font le sujet de tant de discussions, étaient alors absolument nouvelles. Ce fut en partie pour les mûrir et les développer que Mlle Bremer fit son voyage d’Amérique. Dans l’automne de 1848, elle quittait sa patrie, après une visite d’adieu à son maître et ami le révérend Peter Boklin, et se rendait à Copenhague. Dans le cours de l’année suivante, elle fit plusieurs excursions dans les îles danoises ; puis, par Londres, elle prit le chemin de New-York, désirant étudier de près la situation sociale des femmes aux États-Unis. Elle séjourna près de deux ans dans la grande confédération, traversant le pays du nord au sud, et recueillant une foule de renseignements sur des questions sociales, morales et religieuses. Son livre, la Vie de famille dans le nouveau monde, fut peut-être le premier ouvrage sérieux et impartial sur les côtés intimes de la société américaine.

Un coup terrible l’attendait à son retour : la mort de sa sœur Agathe, qu’elle ne put revoir ; deux ans plus tard (1855), elle perdit sa mère, et quitta alors la vieille maison paternelle d’Arsta pour venir habiter Stockholm. Elle y publia son roman d’Hertha, qui s’attaquait directement aux lois dont elle voulait obtenir la révision, et elle eut la joie d’atteindre son but.

Dans l’été de 1853, pendant que le choléra ravageait Stockholm, Frédérika Bremer avait été élue présidente d’une société de nobles femmes qui se chargeaient de recueillir et d’élever les enfants que l’épidémie avait rendus tout à fait orphelins, et de distribuer des secours aux familles dans lesquelles le père ou la mère avait été enlevé par le fléau. En 1855, Mlle Bremer se plaçait à la tête d’une