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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

Mme Pfeiffer se fit transporter dans une légère chaise à porteurs, qui était le seul véhicule en usage, jusqu’à Tananarive, la capitale du pays. La ville lui apparut pittoresquement située sur une haute colline qui s’élevait brusquement au milieu d’une vaste et fertile plaine. Les faubourgs qui l’environnent avaient été d’abord des villages ; mais ils s’étaient étendus, et avaient fini par se rejoindre. La plupart des maisons étaient construites en terre ou en argile, tandis que celles de la ville même devaient, par ordonnance royale, être bâties en planches, ou du moins en bambou. Toutes étaient plus grandes que celles des villages, plus propres et mieux entretenues ; les toits étaient très hauts et pointus, et presque tous pourvus de paratonnerres ; la plupart des maisons, et parfois des groupes de trois ou quatre maisons, étaient entourées de remparts de terre qui les isolaient des constructions voisines. Les rues et les places étaient fort irrégulières ; les maisons n’étaient pas alignées, mais groupées sur le penchant de la colline, au sommet de laquelle s’élevait le palais, également construit en bois, à deux étages, avec de larges balcons, et entouré d’énormes colonnes d’un seul morceau, fournis par les arbres géants des forêts de l’île, et sur lesquelles reposait le toit.

Madagascar était alors gouvernée par la reine Ranavalo, que sa cruauté, sa haine des Européens et les persécutions que subirent sous son règne les chrétiens indigènes ont trop fait connaître. Le récit de la présentation de Mme Pfeiffer à la cour malgache est assez curieux. L’entrée principale du palais était surmontée d’une grande aigle d’or aux ailes déployées. Conformément à l’étiquette, il fallut franchir le seuil du pied droit ; de même, pour une seconde porte qui introduisit dans une cour très vaste, où la reine était assise sur le balcon du premier étage. Dans la cour, des soldats exécutaient des manœuvres guerrières. On fit placer les étrangers en ligne en face de Sa Majesté. Ranavalo était enveloppée d’un large simbou de soie, et portait une lourde couronne d’or ; quoiqu’elle fût à l’ombre, on n’en tenait pas moins déployé au-dessus de sa tête un immense parasol cramoisi, signe de la dignité royale. Avec un teint assez foncé et une forte complexion, elle était, malgré ses soixante-quinze ans, encore alerte et robuste, pour le malheur de ses sujets. Ses fils se tenaient à ses côtés, et derrière elle toute la famille royale et les dignitaires de la cour. Le ministre, en présentant Mme Pfeiffer et un Français de l’île Maurice, nommé Lambert, qui joua, à cette époque, un rôle dans les affaires politiques de Madagascar, adressa