voyageurs, et Mme Pfeiffer en fit l’expérience. Pendant une marche de nuit au clair de lune, la caravane, peu nombreuse, traversait un champ récemment moissonné. Une demi-douzaine d’hommes, armés de bâtons, surgirent de derrière les tas de blé, et, arrêtant les chevaux par les brides, proférèrent des exclamations violentes et effrayantes. Heureusement un des voyageurs sauta de cheval, saisit un des brigands à la gorge, et le menaça avec son pistolet chargé. Cet acte de vigueur eut un effet immédiat ; les voleurs renoncèrent à leur attaque, et, au bout de quelques instants, ils engageaient une conversation pacifique avec ceux qu’ils avaient voulu dépouiller, et auxquels, moyennant un pourboire, ils indiquèrent le meilleur campement.
Quelques jours plus tard, la caravane, partie à deux heures du matin, traversa un imposant défilé que les eaux d’un torrent avaient creusé dans la montagne. Un étroit sentier en suivait le cours, et heureusement la lune brillait de tout son éclat, car, quoique leur pied fût sûr, les chevaux auraient eu peine à gravir ce sentier périlleux, encombré d’énormes rochers. Cependant ils grimpaient comme des chamois sur les rebords aigus, et faisaient passer leurs cavaliers le long d’horribles abîmes que ceux-ci ne pouvaient regarder sans frissonner. Cette scène avait quelque chose de si saisissant, avec les contrastes de lumière et d’ombre, que les grossiers compagnons de Mme Pfeiffer en subirent l’influence ; tous se turent, et on n’entendit que les pas sonores des chevaux et les pierres roulant dans le ravin. Tout à coup la lune se voila, et ils furent environnés de ténèbres si épaisses, que chacun d’eux ne pouvait voir celui qui le précédait. Le guide battait le briquet pour faire jaillir des étincelles qui éclairassent un peu la route, mais les bêtes trébuchaient à chaque pas. Il fallut rester dans une immobilité complète jusqu’au point du jour. Dès que les voyageurs purent distinguer les objets qui les entouraient, ils se virent au milieu d’un cercle de grandes montagnes s’entassant les unes au-dessus des autres, et dominées par un colosse puissant coiffé de neiges. La marche fut reprise ; mais bientôt le chemin se montra semé de taches de sang, et, en plongeant leurs regards dans l’abîme, ils purent voir deux cadavres, l’un à cent pieds au-dessous d’eux, l’autre qui avait roulé plus bas encore, à demi caché par un énorme roc. Ils se hâtèrent de quitter ce lieu sauvage, et, après avoir monté et redescendu bien des pentes, ils arrivèrent à Ravandus, vrai nid d’aigle, construit sur un