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tation qui avait déjà été dressé contre Nar-go-tou-ké. Ignorant tout, le sagamo, ennemi naturel des Anglais, et le cœur ulcéré par les souffrances que les Grosses-Babines avaient fait endurer à sa femme, le sagamo continua de se concerter avec les chefs des libéraux canadiens pour révolutionner le pays. L’abbé ne lui ménagea pas les avis indirects, les conseils officieux. Mais Nar-go-tou-ké ne comprit rien ou ne voulut rien comprendre.

Plus que jamais il se mêlait aux conspirateurs, surtout depuis l’apparition au Canada d’une bande de trappeurs, conduite par un certain Poignet-d’Acier, homme d’une force herculéenne dont on racontait des prodiges et que maints vieillards prétendaient avoir vu notaire à Montréal, sous le nom de Villefranche, quelque vingt ans auparavant.

Ce Poignet-d’Acier faisait le désespoir de la police provinciale. Elle avait mis sa tête à un haut prix, vingt mille livres sterling ; mais nul ne savait où le prendre, quoiqu’on le trouvât partout.

Quant à ses gens, dont on évaluait le nombre à plusieurs milliers, ils étaient aussi insaisissables que leur maître. Ce n’était pourtant pas une troupe fictive. On l’avait vue traverser Ottawa, à son arrivée des pays d’en haut[1] ; on assurait même qu’elle traînait à sa suite des

  1. Les Canadiens nomment ainsi les territoires de chasse du nord-ouest. Voir la Huronne.