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Mais, à mesure que la race anglaise s’est agglomérée dans la ville, elle y a usurpé le sceptre de la fortune[1], et soit qu’elle ne voulût pas s’allier à la race française, soit que ses goûts la portassent à se hausser, elle a déserté les bords du fleuve pour charger de ses palais les gradins de la montagne. On connaît l’histoire des moutons de Panurge : petit à petit, les conquis ont imité les conquérants, et, à présent, sauf de rares exceptions, il est peu de Canadiens-Français, rentiers ou dignitaires, qui oseraient avouer un domicile dans le faubourg Québec.

Cette migration n’a, du reste, rien qui doive surprendre. Les circonstances ont pu les provoquer. Au fur et à mesure que la ville a élargi sa ceinture, les fabriques, les usines se sont multipliées. Par conséquent, les rives du fleuve ont acquis une importance relative qu’elles n’avaient pas auparavant. On a vendu les terrains occupés par les maisons de plaisance pour y faire des manufactures, et les premiers se sont réfugiés autre part. Puis, fait digne d’attention, comme beaucoup de cités américaines, Montréal tend à remonter le cours du fleuve qui baigne ses murs. Il n’y a pas longtemps, les vaisseaux ne jetaient point l’ancre plus haut que la place de la Douane. Par l’ouver-

  1. Chose triste à dire, mais trop facile à comprendre, partout où les populations protestante et catholique se trouvent en présence, on voit la première prospérer, acquérir des richesses, l’autre décroître, s’appauvrir.