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déchiré, à travers une chaîne de montagnes, par la main de quelque divinité malfaisante en fureur.

Si les anciens l’eussent connu, ils y auraient assurément placé leur Ténare.

L’estuaire, presque toujours noyé dans les brouillards, est bastionné par des falaises sourcilleuses, et, à peine a-t-on quitté le Saint-Laurent, dont les flots vert de mer réjouissent le cœur, qu’on rencontre des eaux hideuses, noires comme l’encre.

Aussitôt vous êtes encaissés entre des rochers qui percent la nue et au milieu desquels vainement l’œil chercherait un chemin, une sente. Granit foncé et nu, maigrement semé, à ses cimes pelées, de cyprès rabougris dont le feuillage mélancolique ajoute encore à l’horreur de ces lieux. Point d’arête, point de ravine, point d’anfractuosité pour reposer le regard attristé. Sur votre tête le ciel généralement d’un gris de plomb, à vos pieds l’abîme sombre, implacable, l’abîme qui vous fascine, vous abuse, car ces eaux noires, elles paraissent calmes, les perfides, arrêtées dans leur cours, alors qu’elles glissent avec une rapidité si grande, que le plus puissant vapeur se fatigue à les refouler ; et près de vous, là, sur le côté, l’illusion, la déception, le mensonge encore !

Si élevés sont les caps, que du pont du navire qui vous emporte, il semble qu’on les puisse toucher avec le bras allongé ; mais prenez une pierre, non, prenez une fronde, placez-y un caillou, et de toutes vos forces lancez le pro-