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solument l’abus et l’écart que si vous anéantissez la liberté humaine elle-même.

Eh, sans doute, il ne faut pas que l’homme s’abandonne corps et âme à l’intérêt personnel en faisant abstraction de tout le reste. L’homme a des devoirs envers lui-même et envers sa famille ; mais c’est l’A, B, C de la morale qu’il a des devoirs aussi envers sa patrie, envers la famille humaine tout entière. La vertu, la simple honnêteté consistent à faire marcher de front l’ensemble des devoirs. L’individu qui s’absorbe dans une idée fixe devient bientôt, dans l’ordre intellectuel, un aliéné que les médecins envoient à Charenton. Dans l’ordre moral, du moment qu’on fait abstraction complète d’une partie de ses devoirs pour se complaire dans le reste, on est à la veille, par cela même, de devenir un malhonnête homme ou un criminel. Il y a fort longtemps que les moralistes le disent, grâce à Dieu. C’est pour cela que la philosophie n’est pas seulement belle, qu’elle est hautement utile, puisqu’elle éclaire nos intelligences sur l’ensemble de nos devoirs, et sur l’enchaînement qu’ils ont les uns avec les autres. C’est pour cela aussi que la religion n’est pas seulement sublime, qu’elle est une nécessité sociale, et que, selon l’expression du poëte :

Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer.


Car la religion nous façonne, au nom de Dieu lui-même, à aimer tous nos devoirs. Les reproches qu’on adresse à l’économie politique, à l’occasion de l’intérêt personnel et de la concurrence, seraient parfaitement fondés si elle prétendait que, par elle, la morale et la religion deviennent superflues. Mais où donc a-t-on vu qu’elle ait jamais nourri cette prétention déréglée ?

De tous les auteurs qui comptent en économie politique, il n’en est pas un qui ne se soit apitoyé sur les fâcheux ef-