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ACCORD

DE

L’ÉCONOMIE POLITIQUE ET DE LA MORALE

DISCOURS D’OUVERTURE DU COURS D’ÉCONOMIE POLITIQUE AU COLLÈGE DE FRANCE.

PAR M. MICHEL CHEVALIER.




Messieurs,

Il peut arriver aux sociétés d’être ébranlées jusque dans leurs fondements, à ce point que, sans être un pessimiste, on soit porté à craindre qu’elles n’aient plus à vivre que dans l’histoire. Tout ce qu’il convient de faire dans une situation pareille, lorsque par malheur on y est engagé, je n’essayerai pas de le dire, ce serait au-dessus de mes forces, et ce n’est pas ici le lieu ; mais il est un point que je toucherai, parce que, dans cette chaire, et au moment où nous sommes, il me semble que c’est un devoir.

De petits États, quelquefois de grands, ont perdu leur existence politique par des causes accidentelles et extérieures, sans qu’on eût observé en eux-mêmes les symptômes précurseurs d’une catastrophe. Ce sera un voisin plus puissant qui les aura conquis et absorbés. Mais une société est autrement vivace qu’un corps politique, et qu’une nationalité. Une société ne succombe que sous l’influence de causes morales, intimes et profondes. Vous savez trop bien l’histoire, messieurs, pour que j’aie besoin de vous le démontrer ; jamais une société de quelque importance n’a disparu que parce que son moral était gangrené. Les sociétés ne meurent que de corruption, vice qui prend beaucoup de formes, parmi lesquelles on peut signaler la lâcheté, qui est une des pires.

Quand l’existence de la société est en péril, c’est donc dans les mœurs, c’est-à-dire l’ensemble des sentiments régnants et des idées dominantes qu’il faut en chercher les causes. Il convient d’examiner sous l’influence de quels sentiments et de quelles idées sont placés les individus, dans les circonstances accoutumées de la vie. L’instruction publique est au nombre des sources d’où sortent ces sentiments et ces idées. C’est donc, en pareil cas, une obligation sacrée pour tous ceux qui participent à l’enseignement, de se livrer à un conscien-