
INTRODUCTION
ation politique d’une habileté extrême au dehors, nation
libre à l’intérieur, nation maritime et colonisatrice,
industrielle et commerçante, utilitaire, pacifique et pourtant
guerrière au besoin, c’est-à-dire pour ses besoins
et sans vaine gloriole ; nation prudente et par moments
aventureuse ; pratique, positive et, à ses heures,
chimérique ; profondément religieuse et sceptique
à la fois ; ayant de forts besoins matériels, sensuels ;
impétueuse à les satisfaire et non moins
prompte à se jeter dans le rêve ; à la tête
aujourd’hui du mouvement des idées dans les
sciences philosophiques ; douée des grands dons
créateurs en littérature ; à toutes les époques de son
histoire, traversée par le courant continu de la plus
puissante imagination poétique, l’Angleterre était privée d’une
seule illustration, celle de l’art.
Cette illustration, avec la tenace persistance qu’elle apporte à tout ce qu’elle entreprend, elle a voulu l’avoir. Voilà trente ans qu’elle travaille à cette conquête suprême. Ayant résolu d’ajouter ce dernier fleuron à sa couronne déjà si riche, elle y a réussi. Et toutes les nations artistes désormais tournent vers elle des regards étonnés, quelques-unes même des regards jaloux ; et la France, sa plus proche voisine, n’est pas celle qui se montre le moins préoccupée des progrès tout à fait imprévus — d’abord niés, puis glorieusement constatés — accomplis par l’ambitieuse Albion dans ces belles voies de l’art où, la perfide, en si peu d’années, elle a marqué sa place et à un rang qui n’est point le dernier.
C’est du milieu de ce siècle que datent, dans la direction qui nous intéresse, cet élan généreux de l’Angleterre et ce nouvel effort. Sans doute l’effort n’était pas absolument nouveau. Oui, les origines de l’école anglaise sont relativement de beaucoup antérieures, sans être pour cela très anciennes, car elles remontent seulement au second quart du xviiie siècle. À ce moment elle se décide à secouer le joug de l’art allemand et flamand que, du règne de Henri VIII à celui de