La nymphe Été, debout sur la dalle de marbre veiné de vert qui domine un étang profond où s’épanouissent des fleurs d’iris, dit à son tour :
Summer looked for am I,
Much shall change or ere I die ;
Prythee take it not amiss
Tho’I weary thee with bliss.
L’Automne porte le fruit dont le Printemps portait la branche fleurie. Sur le degré de pierre rose qui borde une pièce d’eau où s’étalent les larges feuilles et la couronne des nénuphars, les rimes une à une tombent de ses lèvres :
Saddest Autumn here I stand,
Worn of heart, and weak of hand,
Nought but rest seems good to me,
Speak the word that sets me free.
L’Hiver enfin, en son costume de veuve, tient en main un livre richement relié et semble déclamer tristement :
I am Winter, that doth keep
Longing safe amidst of sleep ;
Who shall say if I am dead
What should be remembered ?
J’hésite à traduire les stances de M. William Morris, dont la ferme concision secondée par les exigences du mètre et de la rime court grand risque de disparaître dans le mouvement de notre prose. Cependant si le peintre a jugé bon de les introduire dans ses six peintures, il est à supposer que ce n’est point seulement à titre décoratif et qu’il leur accorde la valeur d’une interprétation de sa propre pensée. Très humblement nous soumettons au lecteur la traduction suivante :
i. – Je suis le Jour ! J’apporte de nouveau – la Vie et la Gloire, l’Amour et la Douleur. – Éveillez-vous ! Debout ! De mort en mort, – par moi le roman du Monde est plus vite achevé.
ii. – Je suis la Nuit ! Et je ramène aussi – l’Espoir du plaisir, le Repos après les épreuves – et des Pensées que nul n’a dites. Croyez-le, la Vie et la Mort, – en mon loyal silence, s’accélèrent également.
iii. – Je suis le Printemps ! De cœur si doux, – j’ai beaucoup à dire avant de disparaître. – Demandez aux sèves de l’été la preuve – de la fécondité de mon amour.
iv. – On m’appelle car je suis l’Été ! – Que de choses changeront avant que je meure ! – De grâce, ne vous y trompez pas, – quoique je vous accable de bonheur.
v. – Me voici, le bien triste Automne ! – Usé de cœur et de forces affaibli, – rien que le repos ne me semble bon. – Prononcez donc le mot qui me délivrera.
vi. – Je suis l’Hiver ! Je garde – le désir toujours vivant au milieu du sommeil. – Qui peut dire que je sois mort – et ce dont il faudrait garder le souvenir ?
Est-il nécessaire d’ajouter que les saisons sont aussi le symbole des quatre états de la femme, tour à tour vierge, épouse, mère et veuve ?
Notre esthétique française est moins subtile, assurément, et moins complexe. Est-ce une raison suffisante pour condamner de telles recherches d’expression symbolique et mystique dans l’art de nos voisins ? Nous n’hésiterions pas pour notre compte à le faire impitoyablement si elles ne pouvaient se produire qu’au détriment de l’œuvre d’art en soi. Mais il n’en est pas ainsi, au moins dans l’œuvre de M. Edward Burne-Jones. Toutes nos exigences en fait de beauté plastique et de charme pittoresque y sont satisfaites et au delà. Cette première et indispensable satisfaction nous étant donnée, pourquoi interdirions-nous à l’artiste la joie fort noble d’ajouter aux pures sensualités du regard l’émotion d’une pensée plus haute ?