poussait à m’engager dans un régiment pour vaincre cette timidité-là. J’aurais peut-être dû suivre son conseil. Janin a été excellent pour mes débuts. Et ce bon Théophile Gautier, savez-vous ce qu’il a fait ? Je donnais un drame, la Famille des Gueux, un épisode de la guerre des Flandres, qui eut le grand tort de se produire en même temps que Patrie, de Sardou, un chef-d’œuvre. Et mis en scène ! Et joué ! J’avais vingt-huit ans : je croyais qu’on n’avait qu’à monter sur la scène pour y réussir. Mon ami Maurice Dreyfous, l’éditeur, grand ami de Gautier, le pria de venir au théâtre. « Certainement « j’irai, dit l’auteur de Fortunio. Toutes les « pièces des jeunes m’intéressent. » Gautier attend son service ; la direction ne le lui envoie pas. Tant pis ! Le bon Gautier a promis d’aller voir la pièce ; il ira. Il se présente au contrôle, demande un fauteuil. Plus de fauteuils. Tout est loué. Une stalle ? Plus de stalles. — « Alors donnez-moi ce que vous aurez ! » dit le poète. — On n’avait plus qu’un strapontin de deuxième galerie, sous le poulailler. Théophile Gautier, le maître critique du Moniteur universel, prend le strapontin, le paye, monte au deuxième et, de là-haut,
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