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LE PARFUM DES PRAIRIES

je n’aurai plus rien à dire et je laisserai mon royal cadeau entre tes mains.

Alors elle se coucha tristement, en disant :

— Prends-moi.

Et Baloul revint à un furieux assaut ; puis abîmé de fatigue et de plaisir, il quitta la pauvre femme du Vizir, gisante sur les coussins, laissant à ses pieds la robe d’or qu’elle avait si chèrement payée.

À peine le bouffon fut-il parti que la négresse entra dans la chambre de sa maîtresse :

— Ne t’avais-je pas dit, ma dame, que ce fol est plus rusé que nous tous et qu’il se moque de ceux qui croient rire de lui ? Je te jure qu’il connaît le monde et qu’il le méprise.

— Tais-toi, interrompit la femme du ministre, laisse-moi en repos ; la chose est accomplie. Sur tous les zouques sont écrits les noms de ceux qui doivent les niquer, qu’ils veuillent ou qu’ils ne veuillent pas. Si le nom de Baloul n’était pas sur moi, il ne m’aurait jamais eue ; il en est ainsi de tous. Un homme bien plus beau que ce bouffon, possesseur des trésors les plus rares, me prierait en vain à genoux si son nom n’est pas sur mon zouque. La fatalité est forte !