de loin,
Ainsi que tu croyais m'aborder sans témoin.
Sous ce nouvel habit, du bout de l'avenue,
Qu'il ait cru voir Lucile, ou qu'il m'ait reconnue [1410]
Près de toi, l'un vaut l'autre ; et surtout son destin
Semblant te mettre exprès une lettre à la main.
Nous entrons dans le parc : il nous guette, il pétille ;
Il se glisse, et nous suit le long de la charmille.
Moi qui, du coin de l'oeil, observe tous ses tours, [1415]
Je me laisse entrevoir, et disparais toujours :
Dieu sait si le cerveau de plus en plus lui tinte !
Tant qu'enfin je le plante au fond du labyrinthe,
Où le pauvre jaloux, pour longtemps en défaut,
Peste et jure, je crois, maintenant, comme il faut. [1420]
Je ferais encor pis, si je pouvais pis faire.
De ces coeurs défiants l'espèce atrabilaire
Ressemble, je le vois, aux chevaux ombrageux ;
Il faut les aguerrir, pour venir à bout d'eux.
Oh parbleu ! Ce n'est pas le faible de mon maître ! [1425]
Au contraire, il se livre aux gens, sans les connaître ;
Et présume assez bien de soi-même et d'autrui,
Pour se croire adoré, sans que l'on songe à lui.
Du reste, sait-il bien se tirer d'une affaire ?
Ceux qui l'ont séparé d'avec son adversaire, [1430]
Disent qu'il s'y prenait en brave cavalier ;
Et, pour un bel esprit, qu'il est franc du collier.
Il n'est sorte de gloire, à laquelle il ne coure.
Le bel esprit, en nous, n'exclut pas la bravoure.
D'ailleurs, ne dit-on pas : telles gens, tel patron ; [1435]
Et, dès que je le sers, peut-il être un poltron ?
Voilà donc cet amour dont j'étais ignorante,
Et que j'ai cru toujours un rêve de Dorante ?
Mon maître ne dit mot ; mais, à la vérité,
Ce combat-là tient bien de la rivalité. [1440]
En ce cas, mon adresse a tout fait.
Ton adresse ?