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DAMIS

On se peint, dans l'objet présent et plein d'appas,

L'objet qu'on idolâtre et que l'on ne voit pas. [870]

Aussi bien, transporté du bonheur de ma flamme,

Déjà, dans mon cerveau, roule un épithalame,

Que, devant qu'il soit peu, je prétends mettre au net,

Et donner au mercure , en paiement du sonnet.

Muse, évertuons-nous ! Ayons les yeux, sans cesse, [875]

Sur l'astre qui fait naître en ces lieux la tendresse !

Cherche, en le contemplant, matière à tes crayons ;

Et que ton feu divin s'allume à ses rayons !

Que cette solitude est paisible et touchante !

J'y veux relire encor le sonnet qui m'enchante. [880]

Il va s'asseoir à l'écart.

MONDOR, seul.

Quelle tête ! Il faut bien le prendre comme il est.

Voyons ce qui naîtra de ce jeu qui lui plaît.

L'assiduité peut, Lucile étant jolie,

Lui faire de Quimper abjurer la folie.



Scène IX

Dorante, Lucile, Damis, à l'écart et sans être vu.
DORANTE

À cet aveu si tendre, à de tels sentiments [885]

Que je viens d'appuyer du plus saint des serments ;

À tout ce que j'ai craint, madame ; à ce que j'ose ;

À vos charmes enfin plus qu'à toute autre chose,

Reconnaissez que j'aime ; et réparez l'erreur

D'un père qui m'exclut du don de votre coeur. [890]

Je ne veux pour tout droit que sa volonté même.

Père équitable et tendre, il veut que l'on vous aime.

Dès que c'est à ce prix que l'on met votre foi,

Qui jamais vous pourra mériter mieux que moi ?

LUCILE

Mais enfin là-dessus, qu'importe qu'on l'éclaire, [895]

S'il ne vous en est pas pour cela moins contraire ;

Et si, dès qu'il saura de qui vous êtes fils,

Nul espoir, près de moi, ne vous est plus permis ?