Page:Chefs-d'oeuvre des auteurs comiques, Tome 5, 1846.djvu/210

Cette page n’a pas encore été corrigée

y rendre ;

Mais son hôte ne sait ce qu'il est devenu.

FRANCALEU

On saura bien l'avoir, après l'ordre obtenu.

Adieu, car il est temps de vous mettre à l'étude.

BALIVEAU

Je vais donc m'enfoncer dans cette solitude ; [530]

Et là, gesticulant et braillant tout le soû,

Faire un apprentissage, en vérité, bien fou.



Scène II

Francaleu, Lisette.
FRANCALEU

Moi, je fais l'oncle ; et toi, Lisette, es-tu contente ?

Tu voulais un beau rôle, et tu fais l'indolente.

Reste à s'en bien tirer. Ma fille est sous tes yeux. [535]

Tâche à la copier. Tu ne peux faire mieux ;

Le modèle est parfait.

LISETTE

N'en soyez pas en peine.

Je veux lui ressembler au point qu'on s'y méprenne.

J'ai d'abord un habit en tout pareil au sien ;

J'ai sa taille ; j'aurai son geste et son maintien. [540]

Enfin je veux si bien représenter l'idole,

Qu'elle se reconnaisse à la fadeur du rôle :

Et, comme en un miroir, s'y voyant traits pour traits,

Que l'insipidité l'en dégoûte à jamais.

Car, Monsieur, excusez ; mais vous et votre femme, [545]

Vous avez fait un corps où je veux mettre une âme.

FRANCALEU

L'indolence, en effet, laisse tout ignorer ;

Et combien l'ignorance en fait-elle égarer ?

Le danger vole autour de la simple colombe ;

Et, sans lumière, enfin, le moyen qu'on ne tombe ! [550]

Tu feras donc fort bien de la morigéner.

Qu'elle sache connaître, applaudir, condamner.

Qu'à son gré d'elle-même elle dispose ensuite.

Le penchant satisfait répond de la conduite.

C'est contre le torrent du siècle intéressé ; [555]

Mais, me regardât-on comme un père insensé,

Je veux qu'à tous égards ma fille soit contente ;