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voix d’un timbre puissant, d’une incontestable pureté, à la fois pénétrante et douce, fit entendre l’air si touchant de Lusignan, dans la Reine de Chypre. Rien ne saurait rendre exactement l’effet produit par le chanteur. Chacun écoutait avec émotion, mais personne n’osait faire un mouvement de peur de faire cesser le charme.

Quand le chant fut fini, une salve d’applaudissements éclata de toutes parts : passagers, officiers, équipage, dans cette manifestation enthousiaste et spontanée, semblaient mus par la même commotion électrique.

Le chanteur n’était autre qu’un modeste arquebusier de Marseille. Il avait fabriqué des armes pour des industriels de cette ville, établis depuis peu en Égypte, lesquels avaient dû revendre ces armes au vice-roi. Mais, depuis plusieurs mois, l’arquebusier n’avait pas eu de nouvelles de son envoi, et, très-inquiet sur le paiement de sa fourniture, il s’était embarqué sur un paquebot des Messageries maritimes pour aller à la recherche de son argent.

Or, singularité du hasard, les premières personnes en face desquelles il s’assit à table, au déjeuner matinal du lendemain, furent précisément les industriels qu’il comptait poursuivre jusque sur la terre des Pharaons. Débiteurs et créancier s’entendirent bien vite, et la traversée s’acheva pour eux dans les termes d’une parfaite cordialité.

J’ai rappelé ce souvenir de voyage en mémoire de cet