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LE PROLOGUE.

en tout et partout ; et ainsi, d’une seule voix,
nous nous rangeâmes à sa décision.
Et là-dessus on fit quérir du vin tout de suite ;
820nous bornes, et chacun alla se reposer,
sans s’attarder un moment de plus.

    Le lendemain, quand le jour commença à poindre,
notre hôte se leva, et fut notre coq à tous,
et nous rassembla, tous en une troupe,
et nous voilà partis, un peu plus vite qu’au pas,
jusqu’à l’abreuvoir de Saint Thomas[1].
Et là notre hôte commença d’arrêter son cheval,
et dit : « Messires, écoutez, s’il vous plaît.
Vous savez votre convention, et je vous la rappelle.
830Si vespres s’accordent avec matines[2],
voyons maintenant qui racontera le premier conte.
Je veux ne plus jamais boire ni vin ni bière,
si toute personne rebelle à ma décision
ne paie pas toutes les dépenses de la route.
Allons ! tirez au sort, avant que nous allions plus loin ;
celui qui aura la courte paille commencera.
Sire Chevalier », dit-il, « mon maître et mon seigneur,
allons ! tirez au sort, car telle est ma volonté.
Approchez-vous », dit-il, « Madame la Prieure ;
840et vous, Messire Clerc, plus de timidité,
et n’étudiez plus ; mettez-y la main, tous. »

    Aussitôt, à tirer se mit chacun de nous,
et pour dire en un mot ce qui lors arriva,
que ce fût par hasard, ou destinée, ou chance,
le fait est que la paille échut au Chevalier,
ce dont fort satisfait et joyeux chacun fut ;
et il devait dire son conte, comme de raison,
selon l’accord et la convention,
comme vous savez ; à quoi bon en dire plus ?
850Et quand ce digne homme vit quel était le cas,
en homme qui était sage, et consentait
à tenir son engagement pris de libre volonté,

  1. Endroit connu des pèlerins, sur la route de Canterbury.
  2. Si les intentions du lendemain s’accordent avec celles de la veille.