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de terminer par quelque instruction édifiante,
et de donner au curé temps et audience ;
et nous invitâmes notre hôte à lui dire
que nous le priions tous de dire son conte.
Notre bote prit la parole pour nous tous :
« Messire prêtre (dit-il), que le ciel vous bénisse !
Dites ce qu’il vous plaira et nous écouterons avec joie. »
70 Et à ces paroles il ajouta quelques mots en cette sorte :
« Contez-nous (dit-il), votre méditation,
mais hâtez-vous, le soleil va se coucher.
Parlez fructueusement, et cela en peu de temps,
et de bien faire que Dieu vous donne la grâce. »


Explicit Prohemium.



Le Conte du Curé[1].


Ici commence le Conte du Curé.


[Malgré l’avis prudent de l’hôtellier, le bon Curé ne devait pas se hâter de dire son conte ou plutôt son sermon. Le texte de cette homélie en prose tient 43 pages sur deux colonnes très serrées dans le Student’s Chaucer. Ici encore un résumé s’imposait, la matière n’étant

  1. Jusqu’à présent, en ce qui concerne les sources de ce conte, on en est réduit à des hypothèses. Trois systèmes ont été proposés par les critiques. D’après Skeat (Ed. Chaucer, III, 502 et suiv.), Pollard (Chaucer Primer, p. 124), Jusserand {Hist. Litt. peuple angl., I, 829) et la plupart, Chaucer a paraphrasé la Somme, composée en 1279 par le dominicain Laurent pour Philippe III de France et traduite en anglais vers 1340 par le moine Michel de Northgate sous le titre de The Ayenbite of Inwyt or Remorse of Conscience. Cette Somme est appelée tantôt Somme des Vices et des Vertus, tantôt Li Livres roiaux des Vices et des Vertus ou plus simplement la Somme le Roy. Pour M. G. Paris, c’est « un livre excellent…, où l’on trouve des tableaux de mœurs fort précieux, avec une prédication pleine d’onction, dont le ton rappelle parfois l’Imitation de Jésus-Christ ». (Litt. fr. au moyen âge, p. 187, 1901). On raconte qu’un exemplaire enchaîné à un pilier de l’Église des Innocents restait ouvert à la disposition des fidèles, preuve évidente de la popularité du livre. Il en reste dans les bibliothèques parisiennes une cinquantaine de manuscrits parmi lesquels sont signalés pour l’excellence de leur texte le manuscrit français 1824 de la Bibliothèque nationale (xiiie siècle) et le manuscrit 943 (xive siècle). La Somme fut traduite en provençal. Vers 1502 on en imprima un abrégé à Paris (in-4° caractères gothiques. Bibl. nat., Inv. 5 007). Divers manuscrits sont à l’étranger, l’un d’eux, qui se trouve à Parme, a été publié en partie avec la traduction italienne en regard (Trattatello delle virtu, in-12, Bologne, 1863). Si l’on compare à la Somme le texte de Chaucer, on s’aperçoit que les rapprochements sont peu nombreux, ils concernent d’ailleurs surtout la digression sur les péchés capitaux. Le professeur Liddell propose un autre système : pour lui les sources de Chaucer sont, outre la Somme, un traité anglais du xive siècle, The Clensyng of Mans Sowle, et diverses notes, fruit des lectures personnelles de l’auteur. Le Conte du curé serait donc dans l’ensemble une œuvre originale inspirée par des manuels de dévotion populaires (A New Source of the Parson’s Take, dans English Miscellany, Oxford, 1901). Enfin Kate O. Petersen croit que Chaucer a copié quelque compilation contemporaine où un moine aurait fondu deux traités latins, l’un du dominicain Raymond de Pennaforte (1238), l’autre la Summa seu Tractalvs de Vitiis de Guillaume Peraldus (av. 1261), ce dernier manuel étant la source de la digression sur les péchés capitaux (Sources of the Parson’s Tale, Ratcliffe Collège monographs, Boston, 1901).