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si, quand vous aurez consenti à m’enseigner
cette noble science et cette subtilité,
je ne suis à vous de tout mon pouvoir désormais ! »
Dit le chanoine : « Encore veux-je essayer
1250 une seconde fois, pour que vous preniez garde
et deveniez expert en ceci, et qu’au besoin
un autre jour vous puissiez essayer en mon absence
cette discipline et cette science secrète.
Prenons une autre once (dit-il alors),
de vif-argent, et, sans plus de paroles,
faites avec elle ce que vous avez fait avant
avec l’autre, qui est maintenant de l’argent. »
Notre prêtre s’applique autant qu’il le peut
pour faire ainsi que le chanoine (maudit homme) !
1260 lui commandait, et fortement il souffle le feu
pour arriver au but de son désir.
Pendant ce temps notre chanoine
était tout prêt a tromper le prêtre de nouveau,
et, comme contenance, en sa main il portait
un bâton creux (faites attention et prenez garde !)
au bout duquel une once, pas davantage,
de limaille d’argent était placée, comme tantôt
dans son charbon, le tout bouché de cire
pour maintenir toute la limaille au dedans.
1270 Et tandis que le prêtre était à son affaire,
le chanoine avec son bâton se mit à lui parler
bientôt encore, et dedans jeta sa poudre
comme devant (le diable hors de sa peau
l’écorche, j’en prie Dieu ! pour sa fourberie,
car fourbe il fut toujours de pensée et d’action),
et au-dessus du creuset, au moyen de ce bâton
qui était préparé avec ce déloyal agencement que j’ai dit,
il agita les charbons, jusqu’à ce que se mît à fondre
la cire au feu, comme tout homme,
1280 à moins d’être un sot, sait bien qu’il doit arriver,
et tout ce qui était dans le bâton sortit dehors,
et dans le creuset vilement tomba.
Or, bons messieurs, que voulez-vous de mieux que bien[1] ?

  1. « What wol ye bet than well ? » La même formule se trouve plus haut. A, v. 3370. Elle semble vouloir dire : « Qu’est-il besoin d’en dire plus ? »