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mais que son valet voulait conter ses secrets,
il s’enfuit de chagrin et de male honte.
« Ah ! (dit le valet), on va s’amuser un peu ;
tout ce que je sais, je vais le dire incontinent.
Puisqu’il est parti, que le méchant diable le tue !
car jamais plus désormais ne veux le rencontrer,
pour sol ni pour livre, je vous le promets !
Celui qui m’attira d’abord en pareil jeu,
avant sa mort qu’il ait honte et chagrin !
710 car, sur ma foi ! c’est pour moi très sérieux ;
je le sens bien, quoi qu’on m’en puisse dire.
Et cependant, malgré toute ma souffrance et tout mon chagrin,
malgré toute ma peine, mon labeur et mes misères,
jamais je n’ai pu m’en détacher en aucune manière !
Or plût à Dieu que mon esprit suffit
à vous raconter tout ce qui tient à cet art !
Mais en tout cas vous en dirai partie ;
puisque mon maître est parti je n’épargne rien ;
tout ce que je connais, je le veux déclarer.


Ici finit le prologue du Conte du Valet du Chanoine.



Conte du valet du chanoine[1].


Ici le Valet du Chanoine commence son conte.


Prima Pars.

720 Avec ce chanoine j’ai habité sept ans,
mais dans sa science je ne suis pas plus avancé.
Tout ce que j’avais, je l’ai perdu ainsi,
et, Dieu le sait, bien d’autres avec moi.
Alors que j’avais coutume d’être frais et gai
en mes habits et tout mon appareil,

  1. Ce conte parait tout entier original. Remarquez l’introduction brusque dans la série d’un nouveau conteur avant que Chaucer ait eu le temps de faire parler tous les pèlerins désignés dans le Prologue. Il semble qu’il n’ait pu se tenir de dire leur fait aux alchimistes, comme s’il eût été témoin ou victime de quelque escroquerie récente.