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de louer ; et toi, vierge sans tache,
tu as enfanté, et restes vierge pure,
le créateur de toute créature.

50 En toi sont réunies la magnificence
et la merci, bonté et pitié telles
que toi, qui es le soleil d’excellence,
non seulement aides ceux qui te prient,
mais maintes fois, en ta bénignité,
généreusement, avant que l’homme implore ton aide,
tu le préviens et te fais le médecin de sa vie.

Or aide, ô douce et bienheureuse gente vierge,
moi, pauvre exilé en ce désert de fiel ;
pense à la Chananéenne, qui disait
60 que les petits chiens mangent des miettes
qui de la table de leurs maîtres sont tombées[1] ;
et bien que, indigne fils d’Ève[2],
je sois pécheur, pourtant accepte ma foi.

Et puisque la foi est morte sans les œuvres,
pour travailler donne-moi sapience et temps,
que je sois quitte des lieux qui sont si noirs !
Ô toi, qui es si belle et pleine de grâce,
sois mon avocate en ce haut séjour
où sans fin on chante « Hosanna »,
70 toi mère du Christ, fille chère d’Anne !

De ta clarté illumine mon âme prisonnière,
qui est troublée par la contagion
de mon corps et aussi par le poids
des désirs terrestres et des fausses affections ;
ô port de refuge, ô salut
de ceux qui sont en douleur et détresse,
or aide-moi, car à mon œuvre je me veux mettre.

Mais je vous prie, vous qui lisez ce que j’écris[3],
pardonnez-moi si je ne fais diligence
80 à rédiger avec art cette histoire-ci ;

  1. Cf. Mathieu, xv, 22-21.
  2. Voir plus haut, note 1, p. 455.
  3. Id., ibid.