« Ces vieux gentils Bretons, en leur temps,
de diverses aventures faisaient des lais
rimés en leur première langue bretonne.
Ces lais, ils les chantaient avec leurs instruments,
ou bien ils les lisaient pour leur plaisir.
Et j’ai l’un d’eux en ma mémoire
Je vais le dire bien volontiers, comme je sais.
Mais, messires, parce que je suis un homme illettré,
en commençant je vous supplie d’abord
de m’excuser pour mon langage rude.
Je n’ai jamais appris la rhétorique, sûrement :
la chose que je dis ne peut qu’être nue et simple.
Je ne dormis jamais sur le mont du Parnasse,
ni n’appris Marcus Tullius Ciceron.
De couleurs, je n’en connais aucune, n’en doutez point,
excepté ces couleurs qui poussent dans la prairie,
ou bien celles que les hommes teignent ou peignent.
Les couleurs de rhétorique me sont trop étranges ;
mon esprit ne sent rien de telles affaires,
mais, si vous voulez, vous allez entendre mon conte. »
Dans l’Armorique, qui est appelée Bretagne,
il y avait un chevalier qui aimait et qui se mettait en peine
de servir une dame, du mieux qu’il savait ;