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partout où il vous plaira, par temps sec ou pluvieux,
vous transporter en tout lieu
120 où vous pousse votre désir,
et ce, sans nul danger, par beau ou vilain temps ;
ou bien s’il vous plaît de voler dans les airs aussi haut
que fait l’aigle, quand il lui sied de s’élever,
ce même coursier voue portera toujours
sans aucun mal, jusqu’à ce que vous soyiez où vous voulez aller,
quand même vous dormiriez ou reposeriez sur son dos,
et s’en reviendra si vous tournez une cheville.
Celui qui le fabriqua connaissait plus d’une invention ;
il observa mainte constellation
130 avant d’avoir achevé cette opération ;
il connaissait maints sceaux[1] et maints sortilèges.
Et ce miroir aussi, que j’ai là dans ma main,
a pouvoir tel qu’on y peut lire
le moment où adviendra quelque malheur
à votre royaume ou à vous-même aussi,
et clairement qui est votre ami ou votre ennemi.
Et, plus encore, quelque belle dame
à quelqu’un a-t elle donné son cœur,
s’il la trompe, elle verra sa trahison,
140 son nouvel amour et toute son astuce,
si clairement que rien ne restera celé.
Donc, pour cette joyeuse saison d’été,
ce miroir et cette bague, que vous pouvez voir,
il les envoie à la princesse Canacée,
votre excellente fille ici présente.
La vertu de cette bague, si vous voulez l’apprendre,
est telle que s’il lui plaît de la porter
au pouce, ou de la tenir en sa bourse,
il n’est oiseau qui vole sous le ciel
150 dont elle ne puisse bien comprendre le langage,
et connaître clair et net la pensée,
et elle pourra lui répondre en sa langue.
Et toutes les herbes qui poussent sur racine
elles les connaîtra, et qui elles peuvent guérir,
si profondes et si larges que soient ses blessures.

  1. Sceaux. Une des opérations importantes de la magie médiévale consistait dans la composition des sceaux.