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tous les autres dons ou presque,
tels que terres, rentes, pâtures, droits seigneuriaux[1],
ou biens meubles, tous sont dons de la fortune,
qui passent comme une ombre sor un mur.
Mais assurément, si je peux parler franc,
une femme demeure, et dans ta maison restera,
et plus longtemps que tu ne voudrais, par aventure.
Le mariage est un très grand sacrement.
1320Celui qui n’a pas de femme, je le tiens pour misérable,
il vit sans aide et tout désolé ;
je parle des gens de l’état séculier.
Et écoutez pourquoi (je ne dis pas cela sans raison)
la femme est pour l’aide de l’homme créée.
Le Très Haut, quand il eut fait Adam,
et le vit tout seul, le ventre nu,
Dieu dans sa grande bonté dit alors :
« Faisons à cet homme un aide
semblable à lui », et alors il créa pour lui Eve.
1330Par là vous pouvez voir, et par là vous pouvez prouver
que la femme est l’aide de l’homme et sa consolation,
son paradis terrestre et sa joie,
tant elle est obéissante et vertueuse
qu’ils ne peuvent que vivre en parfaite union.
Ils sont même chair, et une même chair, je présume,
n’a qu’un seul cœur, dans l’heur ou la détresse.
    Une femme ! ah ! Sainte Marie, benedicite !
comment éprouverait-il aucune adversité, l’homme
qui a une femme ? Certes, je ne puis le dire.
1340Le bonheur qui existe entre eux deux,
nulle langue ne peut le dire, nul cœur l’imaginer.
S’il est pauvre, elle l’aide à travailler ;
elle ménage son bien, et ne gaspille rien,
tout ce que son mari désire, elle le veut aussi.
Elle ne dit pas une fois : « Non », quand il dit : « Oui ».
« Fais ceci », dit-il. « Tout de suite, seigneur», dit-elle.
O bienheureux et précieux état de mariage,
tu es si plaisant, et si vertueux aussi,
et si recommandé, si approuvé avec cela,

  1. Commune, dit Chaucer, ce qui signifie exactement droit de pâture, de pêche, de coupe dé bois, etc., sur la propriété d’un autre.