Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ce qu’on lui donne, il le jette sur son dos.
Et dès qu’ils ont repassé le seuil d’une maison,
le frère efface aussitôt tous les noms
qu’il venait d’inscrire sur ses tablettes :
1760il ne sert aux gens que nasillements et fables.

« Nenni, ici tu mens, Semoneur, » dit le Frère.
— « Paix ! (dit notre hôte), par la sainte mère de Dieu !
Continue ton conte et n’épargne rien. »
— « Sur mon salut ! (reprit le Semoneur), ainsi ferai-je. »

Après être allé longtemps ainsi de maison en maison,
il atteignit enfin une demeure où il avait coutume
de se rafraîchir plus qu’en cent endroits.
Le maître du logis était malade
et au lit, étendu sur une couche basse.
1770« Deux hic[1] (dit-il), Thomas, mon ami, bonjour !
(fit le frère d’un ton courtois et doux).
Thomas ! (dit-il), Dieu vous guérisse ! Bien souvent
j’ai passé de bien bons moments sur ce banc-ci,
et j’ai ici mangé plus d’un joyeux repas. »
Ce disant il chassa le chat du banc,
déposa son bâton et son chapeau,
ainsi que sa besace, et s’assit tout doucement.
Son compère s’en était allé à la ville
avec le valet, dans l’hôtellerie
1780où lui-même se proposait de coucher cette nuit.
  « O mon cher maître ! (répondit le malade),
comment allez-vous depuis le commencement de mars ?
Voilà quinze jours ou plus que je ne vous ai vu. »
« Dieu sait, (reprit le frère), que j’ai durement travaillé ;
et j’ai spécialement pour ton salut
dit mainte et mainte précieuse oraison,
et aussi pour nos autres amis, Dieu les bénisse !
J’ai été aujourd’hui dans votre église pour la messe
et fait un sermon selon mon simple esprit,
1790et qui n’est pas tout entier dans le texte des Saintes Écritures ;
car ce texte est pour vous difficile, je suppose,

  1. /Dieu toit avec vous !