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610secrètement il s’en revint dans son pays,
et dit : « Je ne veux point perdre mon nom là-bas,
ni ne veux prendre sur moi si grande honte
que de vous allier à des joueurs de dés.
Envoyez d’autres sages ambassadeurs,
Car, par ma foi, j’aimerais mieux mourir
que de vous allier à des joueurs de dés ;
car vous autres, qui avez tant de gloire et d’honneur,
ne vous allierez point à des joueurs de dés
de mon gré ou par traité dont je serais chargé. »
620Ce sage philosophe, c’est ainsi qu’il parla.
Oyez encore qu’au roi Démétrius
le roi des Parthes, à ce que dit le livre[1],
envoya par mépris une paire de dés en or,
pour ce qu’il avait joué auparavant,
ce pourquoi il considérait sa gloire et son renom
comme sans valeur et sans prix aucun.
Les seigneurs peuvent trouver d’autres sortes
de jeux assez honnêtes pour tuer la journée
    Maintenant vais-je parler des faux serments et des grands jurements,
630en dire un mot ou deux suivant les anciens livres.
Les grands jurements sont chose abominable,
et les faux serments sont encore plus condamnables.
Le Dieu puissant a défendu de jurer du tout,
témoin Mathieu ; mais en particulier
le saint Jérémie dit en parlant des serments :
« Que tes serments soient vrais et non menteurs,
et jurés avec justice et aussi avec droiture. »
Mais les jurements faits en vain sont une malédiction.
Considérez qu’en la première table
640des vénérables commandements du Très Haut,
le second commandement est comme suit :
« Ne prenez point mon nom en vain ou à tort. »
Oyez, il défend jurements de la sorte avant
l’homicide ou mainte autre chose maudite.
Cela vient bien dans l’ordre que je dis.
Ils savent bien ceux qui comprennent ces commandements
que le second commandement de Dieu est celui-là.

  1. Jean de Salisbury, qui conte cette histoire à la suite de la précédente.