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souventes fois elle a feint maladie,
pour ce qu’elle voulait fuir la compagnie
de ceux qui risquaient de dire des folies,
comme on le fait aux festins, réjouissances et danses,
qui sont occasions de libertinage ;
choses pareilles mûrissent les enfants
trop tôt et les font trop hardis, comme on peut voir,
et c’est fort dangereux et l’a toujours été.
70Car ce n’est que trop tôt que fille pourra prendre leçon
de hardiesse quand elle sera devenue femme.
Et vous, gouvernantes sur vos vieux jours,
qui avez à élever filles de seigneurs,
point ne vous offensez de mes paroles.
Songez qu’on vous a faites gouvernantes
de filles de seigneurs pour deux raisons seulement :
soit pour ce que vous avez gardé votre honnêteté,
ou bien que vous fûtes de vertu fragile
et connaissez très bien la vieille danse,
mais avez abandonné complètement pareille conduite
81pour toujours ; et donc au nom du Christ
gardez vous de manquer à leur enseigner la vertu.
Un voleur de gibier qui a renoncé
à ses appétits et à toutes ses vieilles ruses
sait garder une forêt mieux que quiconque.
Or ça, gardez les bien, car, si le voulez, le pouvez.
Veillez à n’assentir a aucun vice,
crainte d’être damnées pour vos mauvaises intentions ;
quiconque agit ainsi est traître, c’est certain.
90Et prenez garde à ce que je vais dire :
de toutes les trahisons la pestilence souveraine
c’est pour un être humain de trahir l’innocence.
Et vous pères, et vous aussi mères,
si vous avez des enfants, soit un, soit deux,
c’est à vous qu’il revient de les surveiller toujours,
cependant qu’ils demeurent sous votre loi.
Veillez à ce que, par l’exemple de votre vie,
ou par votre négligence à les châtier
ils ne se perdent ; car, j’ose le dire,
100s’il en arrive ainsi, vous le paierez bien cher.
Sous un berger, et mou et négligent,