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4620chanter et fermer les deux yeux.
Car, qui ferme les paupières quand il devrait y voir,
et ce de son plein gré, Dieu ne lui donne oncques prospérité ! »
« Oui-da, dit le renard, et Dieu à cettui donne malechance,
qui jargonne quand devrait se taire. »
    Voyez ce qui arrive à qui est imprudent
et négligent, et se fie à la flatterie.
Et vous, qui tenez ce conte pour folie,
comme d’un renard, d’un coq et d’une géline,
4630retenez-en la morale, bonnes gens.
Car Saint Paul dit, que tout ce qui est écrit
est écrit pour notre instruction, bien sûr.
Prenez le grain, et laissez là la paille.
    Or donc, Dieu bon, si c’est ta volonté,
comme dit Monseigneur[1], fais de nous tous des hommes justes,
et nous mène tous à grand félicité. Amen.

Ci finit le Conte du Prêtre de Nonnains.



Épilogue au Conte du Prêtre de Nonnains.


« Messire Prêtre de Nonnains, dit notre hôte incontinent,
bénies soit tes chausses, et ce qu’elles contiennent !
Voilà un joyeux conte de Chanteclair.
4640Mais, par ma foi, si tu étais du siècle,
tu serais un solide chauche-poule.
Car, si tu as désir autant que force,
il te faudrait gélines, à ce que je pense,
certes, plus de sept fois dix-sept.
Voyez quels muscles a cettui gentil Prêtre,
quel puissant col, quelle large poitrine !
Ne dirait-on qu’il a des yeux de faucon ?
Point n’a besoin de teindre sa couleur
de bois de Brésil, ni de grain de Portugal[2].
4650Or, messire, bien vous vienne pour votre conte. »
    Lors notre hôte, de chère lie,
à un autre s’adressa, comme allez l’entendre.

  1. Une note de l’un des manuscrits indique qu’il s’agit de l’archevêque de Cantorbéry.
  2. C’est-à-dire de teinture de pourpre, que les Anglais importaient alors du Portugal.